
L’actualité
s’intéresse de plus en plus à la sexualité. Non pas uniquement pour
son aspect plaisir ou loisir,
mais pour son aspect scientifique. Le chemin parcouru depuis les
années 60 est énorme. Il ne s’agit plus d’un sujet tabou, voire à
connotation libidineuse, mais bien d’envisager la sexualité
comme une activité humaine noble et génératrice de bienfaits pour
l’être humain. La liberté et l’accueil des émotions, liés à l’acte
sexuel, rend les gens plus heureux. De nombreuses études
scientifiques insistent aujourd’hui sur les « bienfaits du sexe et
de l’orgasme sur le cerveau ». La Sophrologie est une discipline
possédant des techniques qui abordent toutes les composantes
de la rééducation fonctionnelle sexologique. Pas seulement la
tension détente, mais aussi ce qui touche aux causes, aux signes et à la
conduite face aux dysfonctions.
Pour en savoir plus nous avons rencontré le Dr Patrick André Chéné. Depuis
plus de 20 ans, ce médecin exerce la gynécologie-obstétrique et la sophrologie en clinique.
En
gynécologie, son attention aux problèmes
de la femme l’amena à constater l’importance des problématiques
liées à la sexualité, tant du fait de dysfonctionnements féminins que
masculins. Il entreprit donc une formation de sexologie
effectuée avec les grands noms des années 1980 et découvrit ensuite
ce que pouvait apporter – en termes de complémentarité et de synergie -
la sophrologie à cette discipline nouvelle.
Alain
Giraud : Pendant
de nombreuses années, vous avez été très proche du professeur Alphonso
Caycedo, créateur en 1960 de
la sophrologie. 20 ans de contact avec lui, vous ont permis la
théorisation et l’expression en langue française de sa pensée. Vous êtes
ainsi l’auteur de gros ouvrages sur la sophrologie qui font
« référence » dans la profession, notamment « Sophrologie, Fondements et Méthodologie »
préfacé par le Pr Caycedo. Vous êtes aussi directeur d’une école très
réputée
qui forme des sophrologues de qualité puisqu’il s’agit de l’Académie
de Sophrologie de Paris dont les formations sont inscrites au RNCP
(registre national de la certification professionnelle).
Tout ceci pour dire que Les champs d’application de la sophrologie
qui sont certes très étendus, n’ont plus aucun secret pour vous. D’après
vous, est-il vraiment possible d’accompagner les
troubles de la sexualité avec la sophrologie ?
Dr
Patrick-André Chéné : La sophrologie est par nature une solution
privilégiée pour accompagner les
problèmes de sexualité. C’est une méthode douce qui demande un
entrainement volontaire donc une implication personnelle et une vraie
volonté de trouver une solution par soi-même. Les
caractéristiques de la sophrologie sont importantes. Elle passe par
le corps, permet de travailler sur son mental, redonne le pouvoir au
pratiquant, obtient des résultats rapides grâce à
l’entraînement et valorise le sophronisant par un travail sur les
valeurs personnelles qui oblige à la transformation du regard.
AG : Est-ce que le fait d’être gynécologue à la base permet à vos patients
d’être plus en confiance pour aborder les problèmes sexuels qu’ils rencontrent ?
Dr
PAC : Oui bien sûr, le climat de confiance est déjà établi ou s’établit
plus rapidement. Les
consultants peuvent se confier, le conjoint vient plus volontiers.
Souvent il me connaît déjà. L’alliance est servie sur un plateau.
D’autre part gynécologie et sexologie ne sont pas des
disciplines étrangères. Elles sont même souvent liées, certains
symptômes gynécologiques pouvant être d’origine psychosomatique et
refléter des problèmes sexuels.
AG : Comment la sophrologie peut aider le sexologue que vous êtes ? Et comment
justifier l’association de la sophrologie et de la sexologie ?
Dr
PAC : La Sophrologie est une discipline possédant des techniques qui
permettent de potentialiser
toutes les composantes de la rééducation fonctionnelle sexologique.
Pas seulement des techniques de tension-détente, mais aussi celles qui
touchent à l’abord, à la correction des blocages et à la
conduite à tenir face aux dysfonctions. Les techniques utilisées en
sophrologie peuvent donc aborder toutes les composantes de la
rééducation fonctionnelle sexologique. La sophrologie permet de
transformer le rapport à soi-même. Elle entraine un vécu corporel
différent. Elle permet un réinvestissement de soi-même par
l’entraînement qu’elle demande.
S’entraîner de multiples fois, accueillir les phénomènes, peu à peu s’affranchir d’une interprétation
souvent non fondée, aboutit assez rapidement à la liberté d’être.
Si le rapport à soi-même évolue, une liberté nouvelle va être ressentie, perçue et explorée. De
nouvelles sensations de vie vont arriver, une liberté de ressentir.
Une élimination du jugement préétabli va survenir et permettre un redéploiement existentiel.
AG : Accompagner des souffrances sexologiques par la sophrologie nécessite-t-il des
compétences particulières pour le sophrologue ?
Dr
PAC : Absolument… Pratiquer la Sophrologie phénoménologique est
indispensable. Le sophrologue doit
avoir une solide expérience de consultation sophrologique, être à
l’aise avec le vocabulaire de la sexologie, fuir toute implication ou
projection personnelle et avoir, bien entendu, un minimum
de connaissances en sexologie.
AG : Existe-t-il une formation spécifique pour les professionnels sophrologues qui
voudraient être plus compétents dans cette spécialisation ?
Dr
PAC : A l’Académie de sophrologie de Paris, nous organisons un
séminaire de spécialisation en
sexologie pour les sophrologues qui permet la compréhension des
troubles en sexologie, la connaissance détaillée des protocoles pour
chaque dysfonctionnement et l’analyse de cas pratiques. Il
initie également aux bases physiologiques et à la physiopathologie
et s’attache à construire des protocoles et des terpnos logos adaptés.
Dr PAC : Ils sont nombreux :
- Une patiente en difficulté après un accouchement difficile et traumatique
- Un viol après avoir ingéré la drogue du violeur dans une soirée
- Un problème d’éjaculation précoce chez un jeune en manque de confiance en lui-même
- Une demande pour retrouver sa féminité
- L’impuissance qui se renforce par le choix de partenaires qui humilient
- Baisse du désir et de la libido à la ménopause
- Difficultés des rapports forcés à dates fixées lors de longs traitements de stérilité
AG :
Y-a-t-il des précautions à prendre et une façon d’être spécifique pour
le
praticien qui aborde la problématique de la sexualité ? Est-ce que
tout sophrologue peut aborder la sexologie quand le client lui fait part
de ses souffrances ?
Dr
PAC : Ne jamais toucher, ne pas déshabiller, ne jamais s’impliquer ou
se projeter, détecter les
pervers et les contre-indications à la prise en charge, ne jamais
interpréter, respecter les vivances. Tout sophrologue peut accompagner
en respectant les caractéristiques fondamentales de la
sophrologie, les principes de base et la non interprétation du
phénomène qui permet à la personne de trouver par lui même ses solutions
dans la méthode.
AG : Vous venez de publier aux éditions Ellebore un livre qui sera certainement une
référence dans le monde de la sophrologie « Sexologie et Sophrologie ». Pourquoi un tel ouvrage ? À qui s’adresse-t-il ?
Dr
PAC : Il ne s’agit pas de juxtaposer mais bien d’intégrer l’alliance de
la Sophrologie et de la
Sexologie à une analyse sophrologique qui permet un niveau supérieur
de compréhension de la sexualité. J’ai expérimenté cette synergie entre
sexologie et sophrologie, depuis plus de 20 ans
d’expériences de consultations en sexologie et sophrologie. Je livre
dans cet ouvrage toute mon expérience clinique, mes protocoles, des
chemins et attitudes pertinentes pour aider les
dysfonctionnements sexuels et améliorer sa sexualité. Il s’agit d’un
ouvrage nouveau, inédit, permettant la mise en pratique de toutes les
potentialités de la sophrologie en sexologie et
s’adressant au grand public aussi bien qu’aux sophrologues.
AG : Quels conseils pourriez-vous donner au sophrologue praticien pour être le plus
efficace possible dans l’accompagnement de cette problématique ?
Dr PAC : Je leur conseille vivement de :
· Laisser faire le phénomène
· Se former. Se documenter
· Se méfier de ses propres représentations. Pas d’interprétation. Ne pas se projeter. Accueillir
· Garder ses distances – être plus que jamais professionnel. Accompagner. Faire confiance
· Ne pas déshabiller, ne pas toucher
· Respecter les réalités existentielles de chacun
· La tolérance et la dignité
· Apprendre au sophronisant ou au couple à prendre le temps
· Motiver le couple, éviter la procrastination qui espace les séances et empêche l’efficacité de la technique.
· L’importance
du temps consacré à la pratique. Il faut faire comprendre l’intérêt
d’arrêter le temps. Le temps qui va
être consacré à l’acte sexuel aura finalement plus d’importance dans
leur équilibre, leur bien-être et leur gestion du stress que tout ce
qu’ils auraient pu faire à la place par habitude ou
dépendance à une quotidienneté non réinventée.
En
conclusion je dirais que, enfin et surtout, le sophrologue devra
toujours s’assurer que le sophronisant
qui vient le voir, a consulté un médecin pour s’assurer de l’absence
de lésion organique ! L’indication de la sophrologie en sexologie
concerne les troubles dits fonctionnels.
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